la 1° guerre mondiale ?

Parlant de la première guerre mondiale, on imagine des obus, des bombardements, de la mitraille, des gaz, des corps mutilés. On ne pense pas archerie. Et pourtant, loin des légendes mythiques, l'usage des arcs et flèches est attesté bien que marginal. On pourra se reporter au bon article de R Hornsby et N Visser traduits par M Cousin dans le TAM n° 27 de décembre 2014

Voyons un peu ce qu'on peut en dire.

Il faut déjà démêler le vrai de l'imaginaire et de ce côté là, on est gâté par une belle légende britannique: Le mirage "des anges de Mons"

Cette légende trouve sa source dans un récit fictif, intitulé The Bowmen (Les archers), de l'écrivain Arthur Machen. La publication de cette histoire dans un quotidien le , donna le coup d'envoi de la rumeur.

Voyons les faits.

Les 22 et 23 aout 1914, le premier engagement sérieux des forces britanniques s'est produit lors de la bataille de Mons (Belgique). Les Allemands furent rejetés par des troupes britanniques fortement dépassées en nombre. Le 24 avril 1915, un compte-rendu fut publié dans le magazine britannique Spiritualist, relatant des visions surnaturelles miraculeuses intervenues pour aider les Anglais au moment décisif de la bataille. Cet article provoqua rapidement avalanche de témoignages secondaires similaires et la diffusion de rumeurs. Les descriptions de cette force ont varié : soit des archers médiévaux au côté de saint Georges (protecteur de la couronne britannique), soit un étrange nuage lumineux et, par la suite, la version la plus populaire fut celle des anges guerriers.

Dans son tableau, les Anges de Mons de 1934, Marcel Gillis utilise cette image des archers célestes et de saint Georges sortant des ténèbres (à droite)  pour s'engager dans la lumière de la victoire (à gauche) en repoussant les Allemands. La ville de Mons disposée en pyramide reçoit les flèches qui la libérent de l'obscurité. La fumée du canon britannique répond au nuage d'anges archers.

Le tableau de Marcel Gillis, Les anges de Mons

Que peut-on en tirer ? Surtout de l'imaginaire collectif, on n'a jamais trouvé de témoins directs bien entendu. Les moments de crise grave font resurgir les patrons protecteurs. La figure de Jeanne d'Arc est fort utilisée pour la France à  cette époque. Les britanniques ont St Georges. Cela galvanise et rassure les soldats.

La légende des Anges de Mons est devenue une légende urbaine après septembre 1914 et la bataille de Mons. Elle fut particulièrement connue à l'époque et elle continue à faire parler d'elle aujourd'hui encore grâce à Internet (elle est reprise en Son et Lumières sur la mairie de Mons).

Des arcs et des arbalètes dans les tranchées ? pourquoi faire ?

Au début de la guerre, l'armement n'est pas encore aussi élaboré et fourni qu'on le voudrait. Le fait de se terrer dans les tranchées change les données de la balistique. Il ne faut plus tirer de manière rectiligne mais en cloche vers l'ennemi. Les mortiers existaient mais n'étaient pas assez nombreux.

Des arcs ont été utilisés pour lancer de micro-bombes anti-personnel avec des charges de nitrocellulose (dans les Vosges en 1915). Par ailleurs, des archers se sont tournés vers les arbalètes. Faciles de mise en oeuvre, elles présentent une forte puissance capable d'emmener un carreau avec une charge de type grenade. Les véritables arbalètes de tranchées furent conçues, elles pouvaient lancer une charge de 1kg à 125 m sous un angle de 45°.
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Rares furent des archers d'élites pour le vrai engagement au combat (mais c'est attesté du côté turc en 1915).

Dans un autre registre, des arcs ont été employés pour la transmission messages tel qu'on peut le voir dans les films médiévaux avec un message entouré sur la flèche. Cela évitait de sortir des abris et pouvait se montrer plus fiable qu'un fil de téléphone, les précautions d'usage devaient être respectées pour la sécurité.

D'où venait le matériel ? Il est évident que les archeries du nord et de l'est de la France ont été dévalisées par les soldats. Toutefois, l'apport de matériel ne peut être que limité aux stocks présents. Par la suite, des commandes ont pu être faites mais aussi des fabrications artisanales.

Les fléchettes d'aviation

Plus répandues étaient les fléchettes d'aviation au début de la guerre. L'aviation balbutiait et les performances des avions ne permettaient pas un usage très efficace en dehors de la reconnaissance. Il a été imaginé par le Lt-Colonel Bon de bombarder les lignes ennemies avec des fléchettes lestées larguées par lot de 500 à environ 1000m d'altitude (d'où le nom de flèches-Bon ou Balles-Bon).

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Les projectiles pouvaient atteindre 200m/s et transperçaient tout sur 300m². Les Allemands terrés dans les abris étaient délogés préalablement par des bombes incendiaires. Ces flèches terrorisaient les soldats car elles étaient très mutilantes et silencieuses.

 (collection privée)

Cette arme a été utilisée massivement et utilisées en champagne par exemple. Presque 1.5 million de flèches de tous types ont été produites par Renault par exemple. Les Allemands utilisèrent aussi cette arme sur Bar-le Duc en octobre 14 avec des mentions telles que "invention française / fabrication allemande".

L'archerie (bien que marginale) a été employée pendant cette guerre, tout arme pouvant servir a été utilisée et il n'y a pas de raison que l'archerie fasse exception. Il est évident que les progrès techniques rendirent moins utiles ces armes nécessitant une mise en oeuvre particulière pour être efficace. L'usage reste anecdotique mais non dénué d'intérêt.

J'espère vous avoir éclairé sur ce fait peu connu.